mercredi, février 06, 2008

Alors, Mo ou Amelie?

Pour venir faire un tour a Tokyo sans vous deplacer de votre fauteuil, vous pourriez notamment avoir le choix entre le dernier Amelie Nothomb "Ni d'Eve, ni d'Adam", dans un genre "Amelie" facile et gentillet (comme toujours sans surprises), et d'une toute autre facon, plus trash, "Tokyo" de Mo Hayder. Les deux nous ont ete apportes par Fran et nous l'en remercions.
Leur seul point commun : se derouler a Tokyo. Pour le reste... 

Amelie reprend son filon japonais pour nous fournir un complement de "Stupeur et tremblements" cote "vie privee". Meme si certains passages presentent un reel interet culturel pour les "immerges" que nous sommes (pour les autres aussi d'ailleurs - voir citations plus loin), l'essentiel est assez plat, jusqu'a cette idylle "plan-plan" a laquelle elle essaie de nous faire croire. "Croire" peut-etre, tant on peut penser que, de toutes facons, ses preferences en la matiere sont ailleurs, mais "Rever", surement pas! 

Voici, neanmoins une selection d'extraits interessants mettant en avant quelques differences culturelles essentielles entre Nippons et occientaux:

"Les Nippons ont invente ce metier formidable: faire la conversation. Ils ont remarque que la plaie des diners est ce fastidieux devoir de parole. Au Moyen Age, lors des banquets imperieux, tout le monde se taisait et c'etait tres bien ainsi. Au XIXe siecle, la decouverte des usages occientaux incita les gens distingues a parler a table. Ils decouvrirent aussitot l'ennui de cet effort qui fut un temps devolu aux geishas. Ces derniers ne tarderent pas a se rarefier et l'ingeniosite japonaise trouva la solution en creant l'emploi de conversationneur." (P.145)

Dans ce contexte, on comprendra que, dans un pays ou l'echange d'arguments n'existe quasi pas, les conversations enthousiastes a la francaise passent pour de veritables disputes aux yeux de nos amis nippons. 

"- A cinq ans, comme les autres enfants, j'ai passe les tests pour entrer dans l'une des meilleures ecoles primaires. Si j'avais reusi, j'aurais pu, un jour, aller dans l'une des meilleures universites. A cinq ans, je le savais. Mais je n'ai pas reussi.
  Je m'apercus qu'il tremblait.
- Mes parents n'ont rien dit. Ils etaient decus. Mon pere, a cinq ans, avait reussi, lui. J'ai attendu la nuit et j'ai pleure.
    Il eclata en sanglots. Je pris dans mes bras son corps tout contracte de souffrance. On m'avait parle de ces horribles selections nippones, imposees mille fois trop tot a des enfants conscients de limportance de l'enjeu.
- A cinq ans, j'ai su que je n'etais pas assez intelligent.(...)
Ma honte a commence et n'a pas cesse.(...)
J'allai contempler la nuit sur une ville ou, chaque annee, la majorite des enfants de cinq ans apprenaient qu'ils avaient rate leur vie. (...)
Rinri s'en tirait en etant le fils de son pere: c'etait compenser une douleur par une honte. Mais les autres, qui echouaient aux tests, savaient des leur plus jeune age qu'ils deviendraient, au mieux, de la chair a entreprise, comme il y eut de la chair a canon. Et l'on s'etonne que tant d'adolescents nippons se suicident." (P.68-69-70)

Voila comment on detecte l'intelligence, cette notion qui revet une importance sociale capitale aux yeux de nos amis japonais. Pour eux, il y a en effet "les gens intelligents"dignent du plus grand respect et les autres, ces deux categories etant nettement identifiees par des instances "incontestables et communement admises de tous".

" De trois a dix-huit ans, les Japonais etudient comme des possedes. De vingt-cinq ans a la retraite, ils travaillent comme des forcenes. De dix-huit a vingt-cinq ans, ils sont tres conscients de vivre une parenthese unique: il leur est donne  de s'epanouir. Meme ceux qui ont reussi le terrible examen d'entree de l'une des onze universites serieuses peuvent un peu souffler: seul la selection premiere importait vraiment. A plus puissante raison, ceux qui frequentent une universite de gare."(P.159)

Et une petite derniere dans un registe completement different (clin d'oeil a une recente conversation avec Charlotte sur l'expatriation):

" Il parait qu'il est peu glorieux de fuir. Dommage, c'est tellement agreable. La fuite donne la plus formidable sensation de liberte qui se puisse eprouver. On se sent plus libre en fuyant que si l'on n'a rien a fuir. Le fuyard a les muscles des jambes en transe, la peau fremissante, les narines palpitantes, les yeux agrandis.
Le concept de liberte est un sujet rabattu dont les premiers mots me font bailler. L'experience physique de la liberte, c'est autre chose. On devrait toujours avoir quelque chose a fuir, pour cultiver en soi cette possibilite merveilleuse. D'ailleurs, on a toujours quelque chose a fuir. Ne serait-ce que soi-meme."

Je m'arrete la pour vous laisser le soin de lire le reste du livre!
Mais, quoi qu'il en soit, mieux vaut commencer, vous l'aurez compris par Amelie, et poursuivre sa lecture par Mo.

Car meme s'il faut attendre presque les 2/3 du livre pour se laisser happer par le rythme tumultueux de la derniere partie. "Ca vaut le coup" de patienter! Entre Nankin et sa realite si contreversee et Tokyo des bas fonds aujourd'hui, on se sent projete dans une atmosphere inquietante et malsaine dont on ne s'extrait qu'avec difficulte tant le recit haletant nous colle le nez aux pages. Gare aux scenes finales! 
Fiction ou realite? Certains faits divers japonais s'en rapproche assez...! 
Je ne ferai ici aucune citation et vous souhaite une tres bonne lecture.
Nous attendons vos avis en commentaires! 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mo : seule écrivain féminin qui trouve grâce aux yeux de mon époux. Il pense qu'elle a quelques soucis perso à régler...et qu'elle écrit comme un homme ! Apréciation +++ (en plus elle est anglaise).
Amélie: pas plus que ça. Trop mièvre et plus assez de grain de folie. Décevant -- (ça c'est l'avis de Fabien; ce livre m'attend sur la table de chevet).
Et Kafka sur le rivage de Hakuri Murakami, l'as-tu lu? Il attend au même endroit qu'Amélie (c'est à cause d'Andrea ! Je m'endors en 2 mn !).
Pleins de bonnes pensées !